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  Klaus Schulze - The KS Story (in French)  



Klaus Schulze, une histoire……témoignage

par Klaus D. Mueller (1997)

(Les lignes suivantes datant de 1997 sont une version revisitée, mise à jour, complétée et beaucoup plus longue, de ma participation à un ouvrage allemand de 1986 sur Klaus Schulze : Eine Musikalische Gratwanderung (Promenade musicale sur les crêtes). Le texte est maintenant en anglais (et ici en français), et j'espère qu'il est dépourvu des multiples coquilles du livre allemand.)

Au début, nous étions quasiment seuls avec notre musique et nos idées folles.

Hormis Kraftwerk et Tangerine Dream… – Si ce n'est Klaus Schulze avec son immense énergie musicale et personnelle, et un bourreau de travail récidiviste : moi :-)… si tous les deux nous n'avions pas lutté pour cette musique folle pendant plus de 20 (depuis, plus de 35) ans, il n'y aurait pas de « Musique Électronique », telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les centaines de successeurs n'auraient pas eu l'occasion d'entendre Timewind etc., et tous auraient aujourd'hui un autre passe-temps.

C'est en 1974 que je commençai à travailler régulièrement pour Klaus Schulze. De 1970 à 1974 j'étais engagé comme régisseur pour divers groupes et artistes musicaux. J'ai suivi partout en Europe la tournée du grand Duke Ellington Orchestra (la dernière tournée du Duke), du lunatique mais merveilleux guitariste brésilien Baden Powell, du groupe de rock progressif anglais Van der Graaf Generator, du Lionel Hampton Band, et bien d'autres, et même du comédien Marty Feldman qui était aussi un vrai hippie comme tous mes amis et moi… étions alors.

Par hasard ma toute première tournée et mon premier travail dans l'industrie musicale fut pour le « Paul Bley Synthesizer (!) Show featuring Annette Peacock » en 1970. Je n'avais aucune idée des conséquences que ces nouveaux (et lourds) instruments auraient dans la décennie à venir, pour moi et pour l'ensemble de la scène musicale mondiale. Ce que j'entendis de l'ARP (ou était-ce un MOOG ? J'ai oublié lequel des deux était utilisé) pendant ces « shows », ne m'impressionna guère, pas plus qu'Annette Peacock chantant via un synthé, ou même les efforts de Paul sur son clavier électronique – le jeu de Paul Bley sur un piano acoustique était et reste toujours grandiose. Son interprétation d'Ida (Lupino) de Carla Bley est encore aujourd'hui une sorte de référence. J'ai fait des copies cassette d'Ida depuis mon vieil LP de chez ESP pour nombre de mes amis.

Entre ces plus gros boulots, je donnais des coups de main à divers groupes de rock dans Berlin, ma ville natale. En Allemagne, le mot et la profession de « roadie » arrivèrent bien plus tard, mais c'était exactement mon travail. J'avais un penchant pour les groupes rock d'avant-garde de Berlin : Agitation Free, Os Mundi, Tangerine Dream et Ash Ra Tempel. Le travail et l'amitié avec les membres de ce dernier changèrent ma vie entière.

Agitation Free donna beaucoup de concerts en France, et j'étais leur roadie. Je gagnais plus d'argent que chacun des musiciens : 50 puis 70 Deutch Mark par jour, ce qui était de toute façon presque rien. C'était une époque formidable. L'argent n'était pour aucun d'entre nous la préoccupation principale.

Le jazz, « free » ou non, et le rock'n'roll, n'étaient pas mes centres d'intérêts personnels musicaux exclusifs, je me rendais aussi régulièrement aux concerts sérieux que Walter Bachauer organisait à « l'académie des arts » de Berlin, et j'ai entendu pour de vrai (et pas juste à la radio ou en vynile), la musique de gens comme Peter Michael Hamel, Morton Feldman, David Tudor, Steve Reich & Musicians, John Cage et beaucoup d'autres du genre, y compris beaucoup de musique d'Asie et d'Afrique qui, vingt ans seulement plus tard, était estampillée « ethno » et « musique du monde ».

Mais où est Klaus Schulze ?

Hartmut, le bassiste (et leader) d'Ash Ra Tempel, m'emmena au début de l'année 1972 pour récupérer un magnétophone à bande Revox dans le quartier de Steglitz à Berlin, où leur ancien batteur vivait avec sa femme. Nous avions besoin de ce magnétophone à bande de première qualité pour notre préparation du futur enregistrement avec Timothy Leary qui donna plus tard le LP Seven Up. Mais ce ne fut pas cette fois-là que je rencontrais Klaus Schulze pour la première fois, car il n'était pas chez lui. Son aimable femme Rita nous remit la machine. Je rencontrai finalement Klaus Schulze dans les bureaux de la maison de disques OHR. Nous (toujours Ash Ra Tempel) quémandions de l'argent pour faire le voyage en Suisse afin de rencontrer Timothy Leary et faire l'enregistrement de Seven Up. Klaus arriva lui aussi dans les bureaux d'OHR avec sa pochette faite maison pour son album Irrlicht, un morceau de carton de 30 × 30 cm avec du velours bleu dessus (avec le vain espoir qu'OHR utiliserait ce tissu pour les vraies pochettes). Il montra également une de ses premières photos promotionnelles, une image hideuse de sa tête pleine de terre, de boue et d'eau : très « progressiste » à cette époque. C'était l'été 72.

Puis nos chemins se croisèrent à nouveau quand je fis un transport de matériel pour lui (j'avais fait de ce travail plutôt difficile mon gagne-pain. J'en ai également fait pour Ax Genrich et Steve Reich !), et je lui ai rendu visite plusieurs fois alors qu'il vivait avec une femme de caractère à Berlin Wilmersdorf (dans l'intervalle, il était divorcé d'avec Rita, sa première femme). KS s'installa ensuite dans une ex-petite boutique rue Schwäbische à Berlin qui fut à partir de là son studio d'enregistrement. Nous recouvrîmes les grandes vitres de la boutique d'un épais plastique bleu collant (d-c-fix), et la porte d'entrée fut quasiment blindée. KS vécut à partir de ce moment dans les deux petites pièces attenantes.

KS n'aime pas – ou n'est même pas capable – de faire des travaux tels que de la soudure ou toute autre nécessité non musicale. J'aime essayer ces petits bricolages, bien que je n'aie jamais appris à le faire de la bonne manière (dix ans plus tard, Claus Cordes, génie accompli, me montra ce que j'avais mal fait pendant toutes ces années. Mais quand même, mes « mauvaises » méthodes fonctionnèrent pendant toutes ces années !). Après un certain temps, je remarquai que la soudure n'était pas la seule chose que KS ne voulait pas faire. Je commençai à rectifier ce qui pouvait être décrit comme le secrétariat de Klaus : je fis des dossiers, répondis au courrier, écrivis des lettres, classai les copies carbone, et fis tout son courrier. Je tirai de sous son lit divers documents, contrats, coupures de presse que je mis en ordre, classai, et ce fut le début de mes (aujourd'hui) énormes archives KS. Ce boulot presque à plein temps débuta fin 73 ou en 74.

Klaus Schulze en 1973

Avant cela, il y eut un événement important : La maison de disque de KS, OHR, accepta l'offre du magazine français Actuel de faire des concerts à Paris avec d'autres nouveaux groupes allemands exotiques. Aussi, sur deux jours en février 1973, l'auditorium du Théâtre de l'Ouest Parisien afficha complet et l'on put y voir et entendre Guru Guru et Kraftwerk le premier jour, et Tangerine Dream, Ash Ra Tempel (avec KS) et Klaus Schulze en soliste, le deuxième jour. Ce fut la première apparition de Klaus Schulze en tant que soliste. En route vers Paris, nous rendîmes visite à la société « Farfisa » près de Cologne pour discuter avec eux d'un nouvel orgue électrique. En arrivant à Paris nous eûmes une grave avarie sur notre camionnette, mais les gens amicaux de Tangerine Dream nous donnèrent leur propre camion ; nous rechargeâmes les instruments et les amenâmes à temps dans la salle de concert. Pendant ce temps, de sympathiques français firent réparer notre Ford Transit et le lendemain, nous pûmes à nouveau l'utiliser. Le concert fut un triomphe et marqua le début du succès français particulier de trois groupes « cosmic » Tangerine Dream, Ash Ra Tempel et Klaus Schulze. Kraftwerk ne se fit vraiment connaître qu'un an plus tard et seulement grâce à leur succès (mérité) en Amérique avec Autobahn.

Aujourd'hui encore, KS et Manuel Göttsching aiment à raconter l'histoire de l'orgue Farfisa original tout neuf et encore emballé, qui fut déballé pour la première fois sur scène à Paris. Klaus ne savait même pas comment l'allumer. Pendant sa représentation, comme attraction « cosmic » finale, Klaus se débrouilla très bien avec ce nouvel outil. En supplément il utilisa un écho (le magnétophone à bande Revox), et une bande préenregistrée avec son propre jeu de batterie « Totemfeuer ». Les 2 000 français étaient enchantés. Le jour suivant nous fîmes tous route vers le studio de Dierks près de Cologne, pour une des diverses sessions d'enregistrement des « Cosmic Jokers ». KS et moi nous nous loupâmes à Paris, aussi je partis quelques heures plus tard avec Manuel et Rosi dans leur petite British Leyland « Mini », tandis que Klaus Schulze conduisait seul le Ford Transit. Pendant que nous étions en plein milieu de la Belgique, la route disparut sous une grosse chute de neige. Nous dûmes nous arrêter, attendîmes un poids lourd, et suivîmes les feux arrière de cet éclaireur. Klaus Schulze, qui était parti quelques heures plus tôt, échappa à cette épouvantable chute de neige, mais par contre il creva : deux pneus à plat (…nous dit-il).

Un des résultats de cette époque au studio de Dierks fut un autre disque d'Ash Ra Tempel, Join Inn, une séance de travail spontanée du groupe originel, et la dernière participation de Klaus avec son ancien trio. Peu après, Hartmut, le bassiste, abandonna complètement la musique, et Manuel et Klaus prirent des chemins différents… La dissolution d'OHR, le conflit entre certains musiciens et Rolf-Ulrich Kaiser, le patron d'OHR, devraient être ici mentionnés. Edgar Froese et KS furent les deux seuls à prendre la décision d'affronter Kaiser en justice pour se libérer. Tous les autres musiciens d'OHR attendaient la suite des événements. Edgar et KS gagnèrent toutes les procédures et furent libres de signer avec d'autres maisons de disques. La principale raison de quitter OHR était la promotion disproportionnée, ce qui était quelque peu embarrassant, à l'époque (même le juge le mentionna dans son verdict). Aujourd'hui, cette promotion quelque peu ridicule est monnaie courante dans le rock et autre show business. Qui plus est, Kaiser et spécialement sa compagne (qui avait de plus en plus son mot à dire !) dérivaient sur des terrains au-delà du normal. Ils croyaient en ce qu'ils racontaient, toutes ces absurdités « cosmic » ou sur les drogues. En 1993 encore, la dame de Kaiser envoya partout des papiers ridicules se présentant comme diseuse de bonne aventure (!) sous le pseudonyme de « Star's maiden » (la vierge de l'étoile). Absurde. Elle aurait dû retourner d'où elle venait : la Californie.

Après s'être libéré d'OHR, Schulze signa pour le marché allemand chez Metronome, qui avait déjà distribué les disques d'OHR. Le premier nouvel LP fut Blackdance en 1974, puis ce fut Picture Music, qui avait été enregistré avant Blackdance. D'autres choses plus ou moins importantes se passèrent ensuite : Delta-Acustic, Michael Hoenig, le 8 pistes, Virgin, et un déménagement. Tout cela l'un après l'autre :

1974 : Des scientifiques de l'Université technique de Berlin inventèrent la technologie de la tête artificielle (microphone) : « Kunstkopf » (méthode qui utilise une tête de mannequin pour capturer les sons). Les deux frères Schunke voulaient l'utiliser dans un nouveau studio d'enregistrement et demandèrent à Klaus Schulze s'il était intéressé. Bien sûr ! On loua des pièces et un studio fut construit. Même Klaus, qui ne plante jamais de clous dans un mur, se mit subitement à charrier du matériel, scia du bois, colla et cloua. Quand fut terminé le Delta Acustic Studio de Berlin (Je ne sais pas si l'orthographe d'« acustic » était un choix intentionnel ou s'ils ne savaient pas l'écrire correctement ?), KS prit la chaise de l'ingénieur du son derrière la console d'enregistrement et de mixage. Après quatre LP de pop, un de classique et une compilation, l'affaire était terminée. Les Schunke quittèrent Berlin, installèrent un nouveau studio dans le nord de l'Allemagne, et la « dummy head stereo » fut presque oubliée. Les anciens studios de Berlin furent utilisés jusqu'à la fin des années 80 (et le sont probablement encore) comme locaux de répétition pour des groupes rock Berlinois ; le premier groupe de Nina Hagen y était basé jusqu'à ce qu'il rencontre un grand succès. À part cela, le premier LP de Tangerine Dream avait déjà été enregistré dans ces locaux, cinq ans avant l'aventure « delta acustic ». (Post scriptum en 1998 : l'immeuble est maintenant entièrement rénové et vendu en lofts à de riches « yuppies »).

Avec le pianiste Berlinois Michael Hoenig, qui venait du groupe « Agitation Free » récemment dissous, KS envisageait de former un duo nommé « Timewind ». Le problème était que Michael état perfectionniste sur les petits détails : chaque câble, prise et branchement devait être étiqueté avec de petites bandes de couleurs, ce qui prenait des heures fastidieuses. Pis encore, il n'avait pas l'intention d'entrer sur scène sans des semaines de répétitions consciencieuses. Une violation évidente des règles amusantes et permissives de Klaus : les répétitions, c'est prise de chou.

En tant que duo « Timewind », Klaus et Michael contactèrent Virgin Records à Londres chez qui Tangerine Dream avait signé pour le monde entier l'année précédente, en novembre 1973 (par hasard, j'étais leur « roadie » et sur place aussi). Klaus Schulze donna deux ou trois concerts avec Hoenig, puis Michael disparut sans nous dire pourquoi, et sans aucun au revoir (!)… on le retrouva comme remplaçant de Peter Baumann pour la première tournée australienne de Tangerine Dream (peu de temps après, Hoenig quitta aussi T.D.).

Par conséquent, Klaus signa en 1974 comme soliste chez Virgin pour tous les pays hors Allemagne/Autriche/Suisse, et la première sortie fut le LP Blackdance. Le LP suivant eut ensuite pour titre Timewind. Avec le temps, il se révéla difficile de travailler avec Virgin. Notre impression naïve quoiqu'instinctive était que Tangerine Dream était la préoccupation principale de Virgin (derrière Oldfield bien sûr), et qu'ils avaient signé avec Klaus Schulze dans le seul but de l'écarter du marché, pour avoir le contrôle sur un concurrent qui autrement serait incommodant (ces choses se produisent bel et bien dans l'industrie musicale). Donc, Klaus mit fin au contrat avec Virgin début 1976. Quinze ans plus tard, quand Klaus Schulze fut de nouveau signé chez Virgin, leur grand manager nous confirma ouvertement que nos soupçons d'alors étaient fondés (!) Nous avions eu le nez creux alors.

Pendant un de nos vols vers Londres en 1975, nous discutâmes de l'avenir de cette musique électronique, toujours pas prise au sérieux, si ce n'est même inconnue du plus grand nombre (une question de la presse à Klaus Schulze revenait souvent : Qu'est-ce qu'un synthétiseur ?). En dehors de KS, il y avait TD, et c'était à peu près tout. Point. Pas de J.-M. Jarre en vue, pas de Kitaro, sans parler des centaines de musiciens jouant de la musique électronique que l'on connaît aujourd'hui. Nous étions sûrs en 75 que la percée viendrait, et les investissements des fabricants de matériels (hardware) n'y joueraient pas qu'un petit rôle. Ce qui se produisit vraiment, et rapidement, nous n'en avions même pas rêvé.

Par exemple, les cracks du studio anglais à l'époque de « Go » au début 76, n'étaient même pas capables de produire un simple « echo/repeat », ce qui est un outil indispensable en musique électronique. Que ces ingénieurs anglais et l'industrie musicale anglaise allaient sauter en marche dans le train de l'électronique (à 100% sur Kraftwerk) quelques années plus tard, et qu'ils allaient sortir des centaines de groupes synthpop, dont certains dominant avec succès les classements internationaux dans les années quatre-vingt… Nous ne pouvions pas l'imaginer en 1975.

Klaus Schulze avait l'envergure d'une superstar en France pendant les années 1975, 76, 77, 78, 79. Les deux plus grands magazines pop/rock (Best et Rock & Folk) étaient remplis d'articles, d'interviews et d'excellentes critiques sur KS, ses albums et ses concerts, ainsi que de longues rubriques expliquant cette nouvelle technologie, élaborées à partir de longs entretiens avec KS. Les disques de Klaus durant ces années entrèrent dans les classements français, les concerts de français de KS étaient aussi importants et attendus que ceux des autres grands « héros » du rock.

Et subitement, il y eut un Français, sorti de nulle part en ce qui concerne la musique (venu plutôt de la pub), faisant ce que Klaus Schulze faisait avec succès, mais avec un tantinet plus d'approche pop calculée, avec des mélodies accrocheuses et tout ce qui fait un tube, et : en un éclair, une superstar made in France était née : Jean Michel Jarre. (Un ami enseignant dans une école française m'a dit en 1995 qu'il a toujours besoin d'expliquer à ses élèves que la « musique électronique » n'a pas été inventée par monsieur Jarre).

Quoi d'autre en 1974 ? Klaus commanda à Londres un très onéreux magnétophone à bande 8 pistes. Jusqu'alors il faisait tout avec seulement deux pistes. Nous payâmes une fortune pour les frais de douane quand le matériel arriva finalement à Berlin, parce que les douaniers et leur manuels ne savaient pas ce que c'était. Il ne marcha jamais comme Klaus le souhaitait, parce que c'était un de ces premiers prototypes de multipistes pour les « home studios ». Seul Wahnfried 1883 de Timewind fut enregistré avec. Plus tard en fut fait cadeau à Harald Grosskopf.

KS et sa dame déménagèrent de l'ex-petite boutique studio pour un plus grand appartement et je les y rejoignis. La boutique/studio fut donnée à Edgar Froese, qui l'utilisait toujours en 1995 comme bureau et studio, et le « d-c-fix » bleu est toujours collé sur les vitrines (et toujours en juin 2004 !).

À l'automne 1974 je fus engagé pour 30 jours avec Michael Hoenig pour le premier « Meta Musik Festival » de Berlin. Nous étions responsables de la technique, du son, du mixage, de la scène et de tous les autres boulots qui nous tombaient sous la main. J'ai encore eu l'occasion d'entendre et de travailler pour des gens comme Terry Riley, Steve Reich & Musiciens, Phil Glass Ensemble, Nico/Eno/John Cale, Tangerine Dream, des musiciens tibétains, arabes, africains, indiens, indonésiens, et bien d'autres encore… Ce festival était l'idée personnelle du merveilleux Walter Bachauer. Il récidiva deux ans plus tard avec le même genre de musiques exotiques et d'avant-garde, et je rempilai pour le même travail temporaire d'un mois parce qu'à l'époque j'adorais cette musique nouvelle et excitante et que j'avais besoin de l'argent (Jusqu'à la fin 1978, Klaus ne me donnait rien pour le travail que je faisais pour lui. Cela n'avait rien à voir avec quelque mauvaise intention de la part de KS, mais simplement parce que je ne voyais pas mes activités comme du « travail » – c'était du plaisir. Et quand j'avais besoin de quelque chose, je l'avais. Nous étions une équipe et des amis).

Pendant l'une des habituelles visites de Klaus Schulze à la compagnie de disque Metronome à Hambourg, il fut présenté au groupe japonais Far East Family Band et à leur doux manager. Klaus accepta leur offre de produire le groupe pour Polygram (la maison mère de Metronome). En août 1975, Klaus s'envola pour Tokyo pour faire le premier LP de F.E.F.B. destiné au marché mondial – un remix de leur second LP fraîchement achevé et publié. Le Japon ! Centre de la technologie ! …mais ce que Klaus trouva dans le studio japonais était énervant : le studio contenait tout ce dont on pouvait rêver, mais aucun des locaux n'était capable de travailler avec ce matériel de manière rationnelle, judicieuse et encore moins artistique. Ce qui arriva semblait tiré d'une pièce de Beckett : tous les gestes et les mots de Klaus étaient pris en compte et notés par d'agiles techniciens japonais. Par exemple, le simple fait que le Dolby doit être réglé avant d'être utilisé (!) puis allumé (!), ou qu'un clavier électrique doit être directement branché sur la console de mixage…

Celui qui devint plus tard le fameux « Kitaro » était juste un des deux sympathiques claviéristes de ce groupe de « space rock ». Klaus dut réenregistrer ses parties parce qu'elles avaient été enregistrées avec des micros placés devant ses enceintes Marshall, ce qui – évidement – sonnait affreusement mal. Klaus montra à ce claviériste quelques autres astuces…

Quand Klaus rentra de ce merveilleux travail à Tokyo fin août 1975, son/notre appartement était déjà vidé, mis à part quelques instruments dont nous avions besoin pour une séance photo décidée plus tôt. Nous déménageâmes dans la campagne allemande. Pour des raisons personnelles d'une part : les parents de KS maintenant retraités avaient déménagé à la campagne. KS trouva une maison près de chez ses parents. Et d'autre part, rien ni personne ne me retenait à Berlin.

Deux jours avant Noël 75, Klaus acheta le « Big Moog » à un musicien munichois.

Le Big Moog

Toutes les tournées de Klaus en France, en Belgique et aux Pays-Bas sont de très bons souvenirs. Chaque année depuis 1975, nous organisions ces concerts pendant les agréables mois d'avril/mai (ceci pendant les trois premières années). Pendant ces premières années, nous étions seuls à bord de notre Ford Transit. C'est moi qui montais et branchais les instruments et le petit mais puissant Farfisa P.A. system ; c'est ainsi qu'au fil du temps j'appris beaucoup sur la technique nécessaire et sur les synthétiseurs. Lors d'un travail plus ancien avec Tangerine Dream, j'avais été impressionné par le fait qu'ils utilisaient seulement une seule lumière bleue sur scène ; je pris cette idée de base et construisis pour KS notre propre petit « light show » fait juste avec 4 ampoules de 100 watts bleu foncé. Plus tard, j'en ajoutai 4 rouges, toutes connectées à deux simples variateurs (comme ceux que vous pouvez avoir chez vous sur une lampe de chevet)… et puis voilà. Je déteste le kitsch tout autant que le gigantisme (souvent c'est la même chose) ; c'est juste cher et embarrassant. KS aimait que l'appareil lui fasse rayonner une de ces lampes directement dans les yeux pendant qu'il jouait des passages émouvants.

Moondawn n'est pas sorti chez Virgin, parce que Klaus Schulze avait mis fin à son contrat. Pendant la préparation des fantastiques concerts français, nous avons été amenés à faire la connaissance d'une personne qui voulait lancer un nouveau label français avec le prochain album de Klaus, Moondawn. Nous avons donné notre accord, et peu après, Moondawn devint un hit en France. KS attend toujours son pourcentage contractuel sur les centaines de milliers de copies vendues ! Indépendamment de ce que certains journalistes disent, ce n'est pas toujours le méchant « Big Brother » mais (également) les petits labels indépendants qui escroquent les artistes. Quand KS essaya d'amener l'affaire devant les tribunaux (français), nous découvrîmes que notre manager français travaillait en même temps (sans nous en avoir informés !) pour l'autre camp – pour les escrocs du label « Isadora ». À partir de là, nous cessâmes tout contact avec cet homme déloyal. Plus tard, il fut pour quelques années l'imprésario d'Ashra, et après avoir disparu pendant dix ans, il créa au début des années quatre-vingt dix le label Spalax pour des rééditions.

Grâce aux succès de Moondawn, des choses se produisirent. Le précédent LP de Klaus, Timewind, reçut le « Grand Prix International du Disque » et les salles de concert se firent plus grandes. Pour la tournée française d'avril 76, nous eûmes droit, de la part de l'organisateur, à une voiture bourrée de gardes du corps à l'air effrayant, mais étaient aussi aimables que dispensables : nous n'eûmes jamais besoin d'eux (sans doute par leur seule présence ?). Mais nous eûmes de l'amusement supplémentaire (et c'est pour cela que nous faisions les tournées).

Le label anglais Island montra de l'intérêt pour Klaus Schulze, mais aussi un imprésario anglais.

En premier vint le projet Go.

Pendant la production d'un autre LP avec le Far East Family Band, cette fois-ci dans les studios anglais « Manor », Klaus sympathisa avec une japonaise, une très bonne photographe. Elle le présenta à Stomu Yamash'ta. Ce jeune prodige d'extrême orient avait en tête son projet Go et recherchait des musiciens du monde entier pour se joindre à ses idées. Il n'existait aucun joueur de synthétiseur en Angleterre. Bien plus encore, Stomu et Klaus parlaient le même langage, musicalement et humainement. Il en était de même avec Michael Shrieve, le batteur de ce projet. Le bassiste Rosko Gee était une aimable personne. Le timide Steve Winwood était presque séquestré par son américaine de femme, et le rapide Al DiMeola que nous ne vîmes qu'une fois, pendant sa partie crépitante de notes. Sa rapidité était vraiment phénoménale, mais musicalement dénuée de sens. Pour le lui démontrer, un soir Klaus accéléra simplement son séquenceur de plus en plus, et DiMeola dut abandonner à un moment donné, se demandant comment KS – qui était assis avec son équipement dans une autre pièce – pouvait jouer aussi vite. Klaus lui montra que ce n'était qu'une machine, et que ce n'est pas l'entraînement à la rapidité qui fait de la bonne musique. Le comprit-il ? Je le suppose car il avait l'air un peu mécontent.

Aucune des personnes impliquées dans ce projet n'avait d'expérience ni avec les synthétiseurs ni avec ceux qui en jouaient, et le personnel du studio n'était formé que pour le rock ou la pop. Avec une musique différente comme celle de Schulze, ils ne savaient pas s'y prendre. Bien sûr ils aimaient le spectacle tapageur quand Klaus avec son EMS faisait ces effets sonores de science fiction, typiques mais de pacotille. Je me souviens de ces nuits dans l'hôtel londonien, quand Klaus pleurait pour de vrai à cause de l'ignorance de ces ingénieurs inexpérimentés. Le produit fini, c'est-à-dire le premier LP de Go montre tout cela, si tant est que l'on y entende seulement ce fou d'Allemand. Toutefois, l'idée première n'avait pas uniquement pour raison l'art, mais était clairement commerciale. Pour chaque pays important, une « star » était choisie ; pour l'Allemagne, c'était la « star » du synthé Klaus Schulze.

On discuta beaucoup d'une tournée mondiale avec Go. Il en résulta deux grands concerts. Le premier en mai 1976 au Royal Albert Hall de Londres avec un orchestre en complément, le second, deux semaines plus tard à Paris. J'étais témoin oculaire sur scène à Paris. C'était comme rentrer chez soi pour Klaus. Il reçut un accueil fantastique de la part de milliers de Français. Avant même le concert, on passait une bande avec du Schulze (!) – c'était comme si les responsables roadies anglais l'appréciaient aussi. J'étais très fier de Klaus. Des concerts américains de Go eurent lieu à des dates ultérieures avec des musiciens en partie différents.

Pour le concert de Go à Londres, Klaus emmena Harald Grosskopf avec lui, comme roadie et soutien psychologique. Harald avait été de 1971 à 75 le batteur du groupe de rock allemand « Wallenstein » et Klaus le connaissait par les sessions « cosmic » aux studios Dierks. Pendant l'été 1975, Harald fut tout à coup présent parmi nous. Il voulait découvrir un peu les instruments et la musique électroniques, il était enthousiaste de tout savoir sur la question. Il avait l'idée futuriste d'associer son jeu subtil de batterie avec des dispositifs électroniques – ce qui ne devint réalité – et même la norme – que quelques années plus tard. Harald resta avec nous un semestre environ et pendant ce temps de même qu'ultérieurement, il joua de la batterie sur certains enregistrements de Schulze. Harald était et est toujours un partenaire honnête et ouvert en plus d'un grand être humain. Sa particularité était son rire puissant et interminable, et sa capacité à s'endormir subitement, mais d'être instantanément d'attaque dès que l'on avait à nouveau besoin de lui. Plus tard il rejoignit de temps en temps le groupe de Manuel Ashra, il fit aussi quelques disques solo de percussion électronique, et il joua des percussions avec divers musiciens électroniques allemands et néerlandais, ainsi qu'avec d'autres musiciens.

Le fameux label anglais Island : Klaus était enthousiaste à son sujet. Certains de ses héros d'adolescence y étaient. Maintenant, à la fin de l'année 1976, Island était intéressé à avoir Klaus en tant que star soliste. Malheureusement, depuis les Beatles, l'Angleterre est non seulement le centre de la pop moderne, mais aussi le pays des contrats les plus longs et plus compliqués qu'on puisse imaginer. Pour ceux qui ne sont ni anglais ni avocats, ils sont un mystère complet. Mais il y avait un manager anglais prêt à aider. Un homme amical, comme ils le sont si souvent. Nous l'engageâmes. Il nous invitait tout le temps à dîner, il venait nous prendre à l'aéroport, nous conduisait partout, payait nos cigarettes, faisait tout pour nous en dehors d'Allemagne. Au bout d'un moment, je réalisai qu'il ne prenait pas uniquement ses 20% de tous les revenus de Klaus, mais qu'en plus nous payions tous ses repas, cigarettes, son essence et ses voyages, et toutes les dépenses que ce manager avait, peu importe s'il se rendait au festival du « Midem » pour nous ou pour n'importe quel autre de ses artistes. Nous ne pouvions même pas vérifier s'il ne facturait pas les mêmes frais à chacun des ses quelques artistes…

Pour y mettre un terme, Klaus paya une petite fortune pour se débarrasser de lui. Ce fut notre première expérience avec la réalité quotidienne du showbiz international. Elle ne nous plut pas.

Ensemble avec ce manager, nous voulions également mettre un terme au contrat d'enregistrement avec Island, parce que notre interlocuteur habituel avait quitté la société. Deux LP étaient sortis sur ce label. Le premier était Mirage. Cela ne fut jamais dit, mais Mirage n'était pas exactement ce qu'Island attendait : c'est-à-dire un deuxième Moondawn. Mirage était et est un morceau de musique difficile d'accès, pas fait pour se vendre rapidement ni en énorme quantité. Nous portons en haute estime le service d'Island. Ils l'ont sorti dans le monde entier avec une énergie et des dépenses considérables. Comme Moondawn, il se hissa à la 10ème place des ventes d'albums en France. Le véritable best-seller avec une musique typiquement à la Schulze fut fait sur la même période par un français inconnu mais malin, le fils de Maurice Jarre, un composeur de musique kitsch hollywoodienne. Cela amena « notre » musique à la connaissance du grand public sur une large échelle. Encore aujourd'hui, il y en a beaucoup qui pensent que J.-M. Jarre a « inventé » la musique électronique.

Une raison explique la gravité et le sentiment de perplexité qui se dégagent de Mirage. Klaus avait un grand frère qui était un modèle stimulant si ce n'est une idole pour lui dans ses jeunes années. Grâce à lui, il apprit à jouer de la batterie. Ce frère, Hans-Dieter, mourut d'un cancer pendant l'hiver ou Mirage fut enregistré. Cette musique est dédiée à son frère. Mirage est toujours un disque exceptionnel et intemporel.

Je ne pris pas part à la tournée de Mirage en avril et mai 1977. À ce moment, j'arrêtai de travailler avec Klaus Schulze pendant environ six mois. Je faisais la tournée française avec Manuel Göttsching en novembre 1976, je travaillai encore pendant les 30 merveilleux jours du second « Meta Musik Festival » de Berlin, ou Klaus Schulze se produisit aussi (écoutez Sense sur son album …Live… ), et je fis la promotion de beaucoup de concerts de rock et de pop à Berlin avec des artistes internationaux tels que Jerry Lee Lewis, les Supremes, Bob Marley… Lors d'un de ces concerts, je rencontrai à nouveau Rosko Gee d'époque de Go. Il faisait maintenant partie du groupe allemand « Can ». Post-scriptum : Rosko rejoignit en 1995 un TV show band dans un programme allemand Die Harald Schmidt Show, il y était toujours en 2016).

Quand je revins vers Klaus au début de l'été 77, je trouvai un camion anglais dans le jardin de la maison de Klaus. Il avait été acheté spécialement pour la tournée de Mirage, parce que c'était moins cher que d'en louer un. Maintenant, il n'y en avait plus besoin, mais personne ne pouvait le déplacer – le roadie anglais l'avait mis dans le jardin, avait branché l'alarme automatique, pris la direction de l'Angleterre en prenant les clés avec lui. Du coup, si quelqu'un touchait la porte ou toute autre partie sensible du véhicule, l'avertisseur commençait à émettre son horrible bruit. KS ne savait pas où était le bouton d'arrêt. J'ai oublié la fin de cette histoire, mais je suppose que nous avons attendu que la batterie du camion soit déchargée et morte et ensuite nous vendîmes le véhicule.

Les réalisateurs de films réalisèrent très vite que la musique à la KS ou à la T.D. était excellente pour les films. Déjà en 1976 Klaus fit beaucoup de musique pour des films d'avant-garde, sans même jamais demander à être payé ! À la fin de l'année 76, un producteur de films de Düsseldorf contacta Klaus et ce dernier fit la musique d'un des meilleurs films porno, Body Love. Le deuxième film du même producteur avec une bande originale de KS était le thriller Barracuda. Pour que Klaus trouve la bonne inspiration, le producteur l'invita à venir avec lui en Floride. Pas de problème pour Klaus ! Le producteur réalisa que les américains essayaient de l'escroquer, mais il put éviter le pire; Klaus apprécia la vie agréable et ensoleillée de Fort Lauderdale… Le salaire pour le travail de Klaus était qu'il pouvait choisir une de ces pompeuses voitures américaines chez le concessionnaire allemand ayant l'exclusivité de ces voitures à Düsseldorf.

L'album Body Love se vendit étonnamment bien. En fait, il se vendit du premier coup deux fois plus de copies que n'importe lequel des précédents albums Brain de Klaus. Une raison à cela était peut-être que le disque était aussi vendu aux caisses des cinémas spéciaux à la lumière rouge (cinéma porno). Et peut-être parce qu'il y avait sur la pochette originale des photos de femmes nues… et des femmes nues sur des pochettes font toujours vendre (= une vieille règle journalistique). En outre, des fans me dirent que dans certains cinémas, Musique de Klaus Schulze était écrit en plus grand que le titre du film.

Puis vinrent X et Dune. En février 1979 Klaus Schulze signa un accord pour le monde entier avec la compagnie allemande Metronome, pour une somme vraiment énorme. Avec cet argent Klaus monta le label -IC-, l'école de synthétiseur, le studio, le studio vidéo… pour aider de jeunes musiciens.

C'était des gros sous que nous reçûmes de la part de Metronome. C'est comme s'il ne restait plus d'argent à Metronome pour faire la promotion de leurs artistes et leurs disques en dehors de leur pays d'origine… ?!? Pendant toutes ces années, il ne se passa pas grand-chose en dehors de l'Allemagne avec les sorties des albums Brain de Klaus. Je me demande pourquoi ils payèrent autant, alors qu'ils n'étaient pas capables (ou intéressés ?) de vendre des disques ou les droits dessus à d'autres pays, aux USA, le Japon, l'Europe entière, l'Australie… (Cette situation n'a pas beaucoup changé depuis. La filiale américaine de Metronome, Polygram, demanda même à un revendeur de CD qui voulait commander en 1992 des disques Brain : Qu'est-ce que « Brain » ? Ils n'en avaient jamais entendu parler, leur propre label).

Les gens des compagnies de disques ont des idées très très étroites, dit un jour Peter Jenner. Feu le manager de Johannes Schmölling, Peter Wirths me dit en 1990 : c'est comme si tous les idiots de l'industrie musicale obtenenaient la place d'"A+R Managers". Mon expérience est que si on parle de manière sensée et raisonnable avec ces gens-là, ils font normalement de leur mieux. Le problème est que « leur mieux » est souvent très modeste.

À nouveau, ici avec Metronome/Brain : beaucoup de plaisir partagé avec des gens amicaux. Avec ces gens, nous n'avons pas eu beaucoup de problème de 1974 à 1980. Ah, ces bons vieux jours… Au fil du temps, nous vîmes cinq différents A+R managers chez Metronome. Aujourd'hui… plein d'ignorants s'y trouvent. Point.

Le 15 décembre 1976 vit un concert d'un intérêt certain à cause de circonstances typiquement allemandes. Pour quelque raison, Klaus Schulze est considéré comme un musicien de « pop ». D'autre part, il existe une scène musicale contemporaine soi-disant « sérieuse » en Allemagne. Bien peu de gens s'en soucient vraiment, l'écoutent ou l'appréciant, parce que le but de ce genre de musique semble être d'éviter toute ressemblance avec une musique agréable. On ne parle de ce genre de musique qu'exclusivement dans les « chroniques » de certains journaux conservateurs. En compensation, cette musique morte était et est soutenue financièrement par beaucoup de subventions, par des stations de radios et par la société des droits d'auteur allemande : la GEMA. On a oublié aujourd'hui que ce statut de « E-Music » (musique sérieuse) fut utilisé et financé pendant la période nazie pour soutenir fortement la musique « allemande » contre la musique « juive » des Mendelssohn, Cole Porter et Benny Goodman !? Par exemple avec des discours comme celui-là : Nur in ihr [Ernste Musik] lebt unsere Seele ganz und eine Seligkeit, die sich nicht in Zahlen fassen läßt. Unmeßbar ist ihr Wert für unser Volk, ihre Bedeutung für die Weltgeltung der deutschen Kunst. Nationalsozialismus heißt, die edelsten Kräfte der Nation am liebevollsten pflegen. Darum heißt Nationalsozialismus auch, diejenigen besonders fördern, die am Dom der hohen Meister weiterschaffen (voyez : Fred K. Prieberg, Musik im NS-Staat, 1982). (Extraite d'un livre sur la musique sous le troisième Reich de Fred K. Prieberg, cette citation dans le style typiquement pompeux de la propagande nazie dit ceci : Ce n'est que dans la musique sérieuse que notre âme vit pleinement et pour l'éternité, il n'est pas possible de mettre cela en équation. Sa valeur pour notre Nation, sa valeur pour la réputation internationale de l'art allemand est au-delà de toute mesure. Le National Socialisme, c'est s'occuper des forces les plus nobles de la Nation. C'est pourquoi cela signifie également soutenir ceux qui œuvrent à bâtir la cathédrale des grands maîtres.)

Quoi qu'il en soit, malgré ce soutien gouvernemental, la musique contemporaine dite « sérieuse » n'avait pas de public alors et n'en a toujours pas aujourd'hui.



[Part 2]
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